"Littératures francophones": "Introduction à quelques approches géocentrées des littératures francophones". V. Magdelaine-Andrianjafitrimo

En France, les littératures d’expression française dites « francophones » restent méconnues, marginalisées. A la croisée des cultures et des langues, elles peuvent être le signe de la productivité et de la richesse des rencontres littéraires et humaines. Mais elles peuvent aussi témoigner d’un rapport conflictuel entre la langue française, souvent choisie sous la contrainte des histoires coloniales ou des pressions éditoriales, et l’écrivain, déchiré entre la nécessité d’écrire et la conscience de sa déterritorialisation. L’écriture du territoire, de l’espace, du sentiment de déterritorialisation, est donc à ce titre particulièrement importante à étudier dans le champ des littératures d’expression française. Trop souvent, on n’analyse ces littératures que comme documents sociologiques et pas assez dans leurs poétiques diverses. Dans le cadre de ce cours, nous chercherons à voir comment des théories littéraires contemporaines peuvent aider à lire les textes et à « penser la francophonie ». Nous ferons un point sur des démarches critiques nées et exploitées dans le domaine canadien et français, la géopoétique géocritique, et dans le domaine anglo-saxon, l’écocritique, revisitée du côté français et belge par l’écopoétique, pour observer comment les textes littéraires abordent la question de la nature, de l’inscription des sujets dans leur territoire, voire interrogent la nature humaine elle-même et ses limites. Nous verrons que la question de l’espace est centrale dans les diverses terminologies métaphoriques données aux littératures francophones (Deleuze et Guattari, Glissant, Le Bris, Paré…). Nous nous intéresserons à la sensibilité de plus en plus grande accordée à l’exploitation de l’environnement, à la condition animale, à la question du recyclage des déchets en constatant que la littérature francophone se réclame des théories du « bricolage », du « reste » et interroge le constant défaut d’humanité imputé aux peuples anciennement colonisés.

Le cours s’appuiera sur des extraits de textes théoriques et des présentations de ces approches relativement nouvelles, ainsi que sur des œuvres à lire intégralement et qui représentent la question du rapport des sujets à l’espace, aux éléments naturels ou au chaos urbain (dans le cas des textes des Malgaches Raharimanana et Rakotoson), ou à l’animal. Nous aurons également l’occasion de regarder certaines œuvres de plasticiens qui veulent inventer un nouveau rapport à la nature en même temps qu’à leur environnement culturel et écologique dévasté comme par exemple à travers le Malgache Temandrota, ou le Belgo-Béninois Fabrice Monteiro.

Les étudiants seront invités à présenter en TD des analyses de textes mais auront aussi à faire des travaux personnels qui leur permettront de travailler sur des supports de leur choix.

 

Corpus : Ces trois romans sont à se procurer sous quelque format que ce soit.

 

Nathacha Appanah, Le Dernier Frère, Paris, L’Olivier, 2007.

Maryse Condé, Traversée de la mangrove, Paris, Folio, 1989.

Ananda Devi, La Vie de Joséphin le fou, Paris, Gallimard, « continents noirs », 2003.

 

Des extraits des œuvres suivantes sur les cauchemars d’Antananarivo seront distribués sur moodle et à lire=

Raharimanana, Lucarne (une nouvelle sera distribuée), Paris, Le Serpent à plumes, 1999 ; Za, Paris, Philippe Rey, 2008.

Rakotoson, Michèle, Lalana, La Tour d’Aigue, Editions de l’Aube, 2002 ; Henoÿ. Fragments en écorce, Bruxelles, Luce Wilquin, 1998.

 

 

 

Bibliographie :

Ashcroft, Bill, Griffiths, Gareth, Tiffin, Helen, L’Empire vous répond, théorie et pratique des littératures post-coloniales, PUB, 2012.

Bouvet, Rachel. “Géopoétique, géocritique, écocritique: Points communs et divergences.” Conférence mise en ligne le 29 mai 2013.

Bragard, Véronique et Jean-François, Emmanuel Bruno, « Ramasser les mots parmi les détritus » : écriture et poétique de l’ordure chez Jean-Luc Raharimanana », Les Lettres Romanes, vol. 68, n° 1-2, 2014, pp. 151-173.

Chamoiseau, Patrick, Ecrire en pays dominé, Paris, Gallimard, 1997.

Clavaron, Yves, Petite Introduction aux postcolonial studies, Paris, Kimé, 2015.

Combe, Dominique, Les Littératures francophones – questions, débats, polémiques, Paris, PUF, 2010.

Deleuze, Gilles et Félix Guattari, Kafka, Pour une littérature mineure, Paris, Minuit, 1975.

DeLoughrey, Elizabeth, and George B. Handley. Postcolonial ecologies. Oxford: Oxford University Press, 2011, 3-39. Print.

Derrida, Jacques, L’Animal que donc je suis, Paris, Galilée, 2006.

Garrard, Greg. Ecocriticism: The New Critical Idiom. New York: Routledge, 2004

Glissant, Edouard, Introduction à une poétique du divers, Paris, Gallimard, 2006.

Lazarus, Neil, Penser le postcolonial. Une introduction critique, Paris, Éditions Amsterdam, 2006.

Le Bris, Michel, et Jean Rouaud, Pour une littérature-monde, Paris, Gallimard, 2007.

Moura, Jean-Marc, Littératures francophones et théorie postcoloniale, Paris, PUF, 1999.

Paré, François, Les Littératures de l’exiguïté, Hearst, Nordir, 1992.

Posthumus, Stéphanie, “État des lieux de la pensée écocritique française.” Ecozon@ 1.1, 2010: (148–154).

Schoentjes, Pierre, Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique, Marseille, Wildproject, 2016.

Smouts, Marie-Claude (dir.), La Situation postcoloniale, Paris, Presses de Sciences Po, 2007.

Suberchicot, Alain. Littérature et environnement. Pour une écocritique comparée, Paris, Honoré Champion, 2012

Westphal, Bertrand. La Géocritique, réel, fiction, espace, Paris, Eds de Minuit, 2007.

White, Kenneth. Le Plateau de l’Albatros. Introduction à la géopoétique, Paris, Grasset, 1994.