« Le déluge : fin / commencement du monde »

Selon les traditions babylonienne, biblique et coranique, le déluge est le cataclysme où périrent sous les eaux l’ensemble des vivants de la Terre excepté un homme, sa famille et les spécimens des autres espèces qu’ils avaient sauvés. Le déluge interroge donc le moment de bascule entre la fin et le commencement d’un monde. En comparant, les trois versions de ce mythe diluvien, nous verrons, dans un premier temps, comment, d’une part, elles expliquent et commentent cette discontinuité du monde et, d’autre part, comment elles fondent une vision plus ou moins terrifiante du monde. Dans un second temps, nous étudierons à travers deux romans arabes contemporains la propension de la fiction à rejouer et répéter ce point de rupture, notamment inscrit dans le rapport complexe entre l’homme, la nature et Dieu. En effet, que ce soit dans le roman de l’écrivain algérien Boualem Sansal (2084, La fin du monde) ou dans le roman égyptien de Khaled Al-Khamissi (L’arche de Noé), la corruption et le mensonge pervertissent de nouveau l’humanité et la décrépitude du monde actuel semble de plus en plus évidente à n’importe quel endroit de la Terre. Mais, face au constat d’un monde apocalyptique, le cataclysme, attendu depuis plusieurs décennies, est-il pour autant inéluctable ? Lus comme une science-fiction ou comme un récit visionnaire, nous verrons comment ces deux romans inscrivent la catastrophe dans une vision continue du monde. Dans quelle mesure ces réécritures défient-elles le récit eschatologique en témoignant plus que jamais d’une puissance de la littérature à s’approcher d’un monde que « nous ne connaissons pas, que nous n’imaginons même pas » (Al Khamissi) ?

 

Corpus :

  1. Azrié, Abed, L’épopée de Gilgamesh, Paris, Albin Michel, 2015.
  2. Ecole biblique de Jérusalem (dir.), La Bible de Jérusalem, « la Genèse », 1-11, Paris, les Editions du Cerf, 2006.
  3. Grosjean, Jean, Le Coran, Sourate LXXI, Paris, Editions Philippe Lebaud, 1979.
  4. Al Khamissi, Khaled, L’arche de Noé, Arles, Actes Sud, Babel, 2012.
  5. Sansal, Boualem, 2084, La fin du monde, Paris : Gallimard, 2015.